« No sería lindo, mi amor ? » sont les mots écrits par mon grand-père, depuis le Pérou, à ma mère, installée en France, en lui parlant de la possibilité de venir lui rendre visite en France dans une lettre qui finit sur cette phrase : « Ce ne serait pas beau, mon amour ? ». Au long de ces années de distances, depuis que ma mère, à 20 ans, décida de traverser l’Atlantique afin de venir à Paris, elle qui avait grandi à Lima, au bord de l’Océan Pacifique, les lettres, puis quelques années plus tard, les e-mails, furent le pont de dialogue entre elle et ses parents, Manuel et María-Jesus. Ces lettres devinrent ensuite le véhicule par lequel la vie de mon petit frère et la mienne parvenait à mes grands-parents, leur racontant nos anniversaires, notre quotidien et notre vie de famille qui se construisait à Paris. Au long de mon enfance, mes grands-parents ont été une présence affective centrale, dans une distance entrecoupée de voyage où nous allions leur rendre visite, et construire des souvenirs ensemble, au Pérou. Dans cette distance, tout un imaginaire s’est construit, à partir d’histoire, de souvenirs, d’images et de symboles qui sont restés gravés. C’est aussi à travers de cet imaginaire que notre relation s’est construit, et a continué à se construire après leur décès. Malgré des deuils qui ont dû se faire à distance, séparés par un océan, la relation n’a jamais cessé d’exister et de grandir, dans chaque image et chaque détail qui me ramène à leur histoire. Dans ce projet, chaque image évoque un souvenir ou un pan de cet imaginaire, et j’écris de nouveau cette histoire, d’une petite fille franco-péruvienne à ses grands-parents au Pérou, Manuel et María-Jesus, que j’appelais moi, Papi Manuel et Masusa.